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Marte Olsbu Roeiseland ou l’éloge de la patience

Septuple médaillée des Championnats du monde d’Anthloz, quintuple médaillée olympique à Pékin, vainqueure du gros globe de cristal cette année… Marte Olsbu Roeiseland a tout coché. Mais la Norvégienne a mis du temps à s’imposer au plus haut niveau. Retour sur son parcours pour devenir la meilleure biathlète de la planète.

Marte Olsbu Roeiseland, 31 ans, a fait ses débuts en Coupe du monde sur la première étape de la saison 2012-2013. Régulière dans l’équipe A norvégienne depuis 2014, elle possède aujourd’hui l’un des plus beaux palmarès du biathlon féminin aux Championnats du monde et aux Jeux olympiques. Pour finir, cette année, avec ses premiers globes en Coupe du monde, dont le graal du gros globe de cristal.

Et pourtant, l’ascension au plus haut niveau s’est produite tardivement pour Marte Olsbu Roeiseland. Avant sa première victoire en Coupe du monde en décembre 2018, elle n’était montée sur le podium qu’à quatre reprises. Retour sur son parcours pour devenir numéro une mondiale.

Globe de la poursuite dames : Marte Olsbu Roeiseland (NOR) © VOIGT / Kevin Voigt

Mission : reconstruire l’équipe norvégienne après le départ de Tora Berger

L’immense Tora Berger, double vainqueure du gros globe de cristal, 28 victoires en Coupe du monde, laissait place à la jeunesse norvégienne après sa retraite en 2014. Représentée notamment par Tiril Eckhoff et Marte Olsbu Roeiseland, la relève a mis quelques saisons à s’imposer comme la crème du biathlon mondial. Pour la triple championne olympique, le moment clé a été la victoire du relais féminin sur les Championnats du monde d’Oslo en 2016.

« Les Championnats du monde à Oslo ont définitivement marqué un tournant dans ma carrière. Personne, et je dis bien personne, ne croyait vraiment que nous avions une chance, mais regardez ce qui s’est passé ! C’est le biathlon, et c’est l’une des raisons pour laquelle nous l’aimons tant. On ne connaît jamais le résultat. Après ce relais, toute l’équipe norvégienne est devenue plus confiante », raconte-t-elle à l’IBU en 2020.

La Norvège championne du monde de relais féminin à Oslo en 2016. Crédit photo : afp.com/JONATHAN NACKSTRAND

Mais si Tiril Eckhoff, malgré une régularité incertaine, parvenait à récolter podiums et victoires – allant jusqu’à égaler puis dépasser le record de victoires de Tora Berger cette saison – Marte Olsbu Roeiseland connut moins de succès sur le circuit. Après une 22e place au classement général en 2016, elle se hisse douzième mondiale l’hiver suivant, grâce à sa régularité plutôt que des coups d’éclat.

PyeongChang 2018 : Une première moisson olympique

Après un unique podium en début de saison 2017-2018 (troisième sur la poursuite d’Ostersund), Marte Olsbu Roeiseland montre une première fois qu’elle peut être redoutable sur les grands événements. Elle ouvrait bal avec une médaille d’argent sur le sprint des Jeux Olympiques de PyeongChang, pour en obtenir une deuxième sur le relais mixte. Mais ce n’est pas tout : quatrième de la poursuite, huitième de la mass start… Elle réalise l’une de ses plus belles quinzaines au meilleur des moments. Si son succès ne se concrétisera pas sur l’ensemble de la saison (14e mondiale), sa carrière prendra un nouveau tournant.

La saison suivante marquait un nouveau cap de passé pour la future vainqueure de la Coupe du monde. À commencer par sa première victoire dans la cours des grandes sur le sprint de Nove Mesto en décembre 2018, qu’elle transformait dans la foulée en doublé sprint-poursuite. La suite de l’hiver la voyait souvent entrer dans la cérémonie des fleurs (à 12 reprises dans le top 6 au total), dont une troisième victoire. Les Championnats du monde à Ostersund resteront frustrants, avec une médaille en chocolat sur la poursuite ; mais la Norvégienne sera récompensée par une quatrième place au général de la Coupe du monde.

Antholz 2020 : Objectif, un titre individuel aux Mondiaux

Dès lors, Marte Olsbu Roeiseland n’aura plus qu’un objectif en tête : concentrer toute sa préparation sur les Championnats du monde d’Antholz en 2020.

Marte Olsbu Roiseland - Crédit photo : EXPA/Adelsberger via VOIGT Fotografie
Crédit photo : Kevin Voigt

« J’ai appris beaucoup des championnats de l’année dernière à Ostersund, où j’avais l’impression de ne pas avoir le surplus nécessaire pour donner le petit plus que vous devez avoir pour vous battre au plus haut niveau. J’ai donc décidé de faire l’impasse sur quelques courses pour être mieux préparée et me donner une meilleure chance de réaliser mon grand rêve : devenir championne du monde sur un format individuel. » (IBU magazine n°55).

Elle fera son impasse sur la dernière étape de décembre, mettant une croix sur les 180 points disponibles au Grand Bornand. Elle était alors au quatrième rang mondial. Mais Roeiseland signe ensuite son grand retour en janvier, avec une victoire d’emblée et quatre cérémonies des fleurs en six courses. La Norvégienne est prête pour une véritable razzia aux Mondiaux dans le Sud-Tyrol.

Marte Olsbu Roeiseland, la reine des Championnats du monde

Le bilan est tout simplement un record absolu : sept médailles en autant de courses, dont cinq en or. Tout d’abord l’or sur le relais mixte, où elle est alignée en première relayeuse en compagnie de Tiril Eckhoff et des frères Boe. Elle enchaîne avec le titre sur le sprint, sa première médaille d’or individuelle. Si elle n’arrive pas à conserver sa place sur la poursuite, elle empoche malgré tout le bronze, comme sur l’individuel. Elle avait ensuite l’occasion de participer à deux autres relais, dont le mixte simple avec Johannes Boe. Deux nouveaux titres mondiaux.

Crédit photo : Icon Sport

Marte Olsbu Roeiseland trouve sa consécration finale sur la mass start. Au terme d’un dernier tour survolté, elle parvient à reprendre les 14 secondes qui la séparaient de Dorothea Wierer et s’impose seule sur la dernière ligne droite d’Antholz. Elle égale l’Allemande Laura Dahlmeier en nombre de victoires sur une seule édition des Championnats du monde (cinq titres) et établit le record de sept médailles. Cela lui valut d’être élue Championne des championnes 2020 par le journal l’Équipe, et d’obtenir le prix de la prestation sportive féminine de l’année en Norvège.

Saison 2020-2021 : Vers une récompense de cristal ?

Absente sur le reste de la saison pour cause de maladie, elle ne pourra pas jouer la deuxième place du classement général qui lui tendait les bras après ces Mondiaux. C’est donc avec des ambitions de cristal que Marte Olsbu Roeiseland se lance dans la saison 2020-2021.

« La saison prochaine, je me concentrerai davantage sur le général »

Après une 24e place sur l’individuel d’ouverture de la Coupe du monde, Marte Olsbu Roeiseland enchaîne les top 4 jusqu’à la fin de décembre, avec une 7e place comme seule exception. Dans un premier temps à la lutte derrière Hanna Oeberg, la Norvégienne s’empare du dossard jaune au terme de la sixième course, grâce à sa première victoire de la saison. Mais très vite, il apparait que sa principale et plus coriace adversaire ne serait autre que… sa coéquipière Tiril Eckhoff.

Trois victoires en décembre, autant en janvier, Tiril Eckhoff efface rapidement ses mauvais résultats en ouverture de saison. De plus en plus menaçante pour Marte Olsbu Roeiseland, c’est finalement sur les Championnats du monde de Pokljuka que le dossard jaune changea d’épaules. Face au doublé sprint-poursuite de sa compatriote, Roeiseland ne termina que sixième et neuvième. Elle sera même coiffée au poteau par Tiril Eckhoff sur la mass start.

Crédit photo : Kevin Voigt

Cette mauvaise opération au général sera irréversible. Marte Olsbu Roeiseland termine à la deuxième place de la Coupe du monde, 189 points derrière sa coéquipière.

2021-2022, ou l’accomplissement des rêves olympique et de cristal

Après cinq premières courses, Marte Olsbu Roeiseland s’empare du dossard jaune, pour ne jamais s’en séparer. Malgré la grande forme d’Elvira Oeberg et en particulier au Grand Bornand, la Norvégienne réussit à tenir sa concurrente à distance, et s’impose comme la grande dame de cette saison.

Toujours très rapide sur les skis, c’est surtout grâce à une impressionnante amélioration de ses statistiques de tir que Marte Olsbu Roeiseland a su tenir la dragée haute. Culminant à 85 % la saison passée, elle s’est imposée cette année comme la troisième meilleure tireuse du circuit avec 90,8 % de réussite sur les courses individuelles. Avec six victoires avant les Jeux olympiques et malgré une impasse à Antholz (tout comme Elvira Oeberg), la Norvégienne s’était forgée une marge confortable et une grande confiance à son arrivée à Pékin.

Crédit photo : Kevin Voigt

L’or en poche sur le relais mixte, Marte Olsbu Roeiseland fautait une fois de trop sur le 15 km. Elle laissait l’or à Denise Herrmann et l’argent à Anaïs Chevalier-Bouchet. À cet instant, la frustration dominait la Norvégienne, qui avouait au micro de NRK : « ce dernier tir va me hanter le reste de ma vie ». Elle ne se doutait pas encore de l’incroyable succès qui l’attendait sur ces JO. Et pourtant…

Roeiseland reçue 5 sur 5 pour le record olympique

Marte Olsbu Roeiseland avait déjà prouvé qu’elle savait maîtriser les éléments lorsque la météo se déchaîne. Sous un vent à « décorner les Boe » l’année dernière à Ostersund, elle s’était imposée sur la poursuite. Auteure d’un sans-faute au tir sur le sprint, et avec un temps de ski écrasant toute concurrence, elle s’impose comme championne olympique incontestable. Pour la Norvégienne, ce fut tout simplement « [sa] meilleure course de tous les temps ».

Crédit photo : Kevin Voigt

Intouchable sur la poursuite, elle réalise le doublé deux jours après. Déjà trois titres olympiques, seule Darya Domracheva y était parvenue. Sa fabuleuse série connait un coup d’arrêt avec le relais féminin, quatrième malgré un très bon dernier passage. Mais il en fallait plus pour arrêter Marte Olsbu Roeiseland : malgré une fatigue à skis grandissante, elle ira chercher la médaille de bronze sur la mass start, derrière Justine Braisaz-Bouchet et Tiril Eckhoff. Avec Johannes Boe et Quentin Fillon Maillet, elle établit le record absolu de cinq médailles olympiques lors d’une seule édition.

Du cristal pour couronner son palmarès

Sur la fin de saison, si Marte Olsbu Roeiseland n’a pas renoué avec la victoire, elle s’est au moins assurée trois globes de cristal. Elle parvient à conserver un écart à peu près constant avec son adversaire Elvira Oeberg, pour terminer la saison avec quatre podiums consécutifs. Elle remporte le globe de la poursuite dès l’étape de Kontiolahti, grâce à quatre victoires dans cette discipline en Coupe du monde. La récompense du sprint est acquise à Oslo, juste avant la dernière poursuite de la saison qui va lui octroyer le gros globe de cristal.

Globe du général dames : Marte Olsbu Roeiseland (NOR) © VOIGT / Kevin Voigt

La Norvégienne compte huit victoires cet hiver et dix-sept podiums, soit plus du double que les saisons passées. Elle totalise dix-sept victoires en carrière, Jeux olympiques compris.

Vers la fin de sa carrière ?

Déjà en décembre 2020, Marte Olsbu Roeiseland exprimait ses doutes quant à la poursuite de sa carrière après les Jeux Olympiques.

« Peut-être que je continuerai plus longtemps, mais en vérité je ne sais pas. Je ne suis pas une biathlète depuis très longtemps, je suis entrée dans l’équipe A en 2014. Je verrai après Pékin si je reste motivée. Le biathlon est un sport passionnant, mais il vous faut être à 100 % dedans et, si ce n’est pas le cas, vous ne ferez pas bien le job. Si je n’ai plus la foi, j’arrêterai. » (Propos recueillis par l’Équipe)

Maintenant que la saison olympique est arrivée à son terme, Marte Olsbu Roeiseland se pose toujours des questions. Les saisons passées, elle s’était toujours concentrée sur un objectif : le titre individuel de Championne du monde, le gros globe de cristal, les médailles olympiques… Que faire maintenant qu’elle a tout gagné ?

« J’ai accompli beaucoup de choses dans ma carrière. Là tout de suite j’ai juste envie de rentrer à la maison et réfléchir un peu à ce que je veux faire dans le futur, voir s’il y a de nouveaux objectifs qui pourraient me motiver », s’est exprimée Marte Olsbu Roeiseland.

La Fiche de Marte Olsbu Roeiseland

Crédit photo : Kevin Voigt