Second numéro de notre toute nouvelle série long format intitulée “Horizon Biathlon”. À travers cette série, nous souhaitons mettre en lumière le biathlon et ses acteurs, dans des pays où celui-ci n’est à ce jour que peu connu ou reconnu. Aujourd’hui on traverse l’Atlantique pour s’envoler vers les États-Unis ! Cette seconde partie continue de développer le sujet du biathlon américain de nos jours mais aussi tenter d’apporter des pistes sur son futur.

American biathlon : present & futur

Être biathlète aux États-Unis en 2019

Le biathlon et les jeunes

L’une des manières de rentrer dans le monde du biathlon aux États-Unis est de suivre un modèle défini par l’USBA et découpé en 5 phases, suivant son âge :

  • De 8 à 12 ans : initiation au biathlon ;
  • De 13 à 14 ans : les fondements du biathlon ;
  • De 15 à 16 ans : apprendre à s’entrainer ;
  • De 17 à 20 ans : s’entraîner à concourir ;
  • À partir de 21 ans : s’entraîner pour des performances de haut niveau.

Ces 5 phases vont chacune être divisées en 5 axes d’orientation pour un développement optimal et permettre de développer divers paramètres physiques du biathlète suivant son âge :

  • La force,
  • La vitesse,
  • La capacité aérobie,
  • La capacité anaérobie,
  • L’équilibre, la coordination et la souplesse.

Bien qu’il soit préférable de se familiariser avec le biathlon le plus jeune possible afin de maximiser les possibilités offertes aux jeunes biathlètes, nombre d’entre eux commencent le biathlon sur le tard. Ces jeunes passent par le circuit universitaire de cross-country.

Il existe deux moyens d’exposition au biathlon dans le système universitaire :

  • Avant l’université : l’occasion de miser sur le talent et de participer à des compétitions chez les juniors et les jeunes seniors. L’athlète peut donner la priorité aux courses nordiques universitaires et revenir au biathlon à temps plein après les courses universitaires,
  • Pendant et après l’université : participer à un camp d’identification des talents de l’USBA un an avant l’obtention de son diplôme. Ceci offre la possibilité de participer à des courses de biathlon en tant que senior et de développer une carrière à long terme comme biathlète.

À titre d’exemple, Susan Dunklee et Lowell Bailey ont tous deux participé à des courses universitaires. Lowell Bailey a représenté l’Université du Vermont pendant 4 ans sur des courses de ski de fond, tout en restant en contact avec le monde du biathlon. Susan Dunklee a elle commencé à apprendre à tirer alors qu’elle courait pour l’université de Dartmouth. Elle n’a commencé à pratiquer sérieusement le biathlon qu’après avoir obtenu son diplôme universitaire.

Chaque année, divers événements sont organisés par l’USBA afin de faire découvrir le biathlon au plus grand nombre. Cela passe par des camps pour s’initier au biathlon et en apprendre les bases. Des camps pour les jeunes souhaitant se lancer pleinement dans le biathlon mais aussi une semaine d’entrainement avant ou après les championnats nationaux d’été durant laquelle les jeunes de tout le pays sont invités à s’entraîner à Lake Placid avec les entraîneurs des équipes nationales.

Un programme d’échange international a été mis en place. Chaque année, plusieurs jeunes biathlètes de Suède, d’Italie ou d’autres pays sont invités à s’entraîner et à concourir à Jericho et Lake Placid pour les championnats nationaux d’été et le sommet de développement de l’USBA. En échange, les jeunes biathlètes américains ont l’occasion de s’entraîner et de participer aux championnats nationaux de biathlon de Suède ou à d’autres courses internationales en hiver.

Il y a de cela quelques années maintenant que les femmes de l’équipe américaine de biathlon organisent leurs fameux camps découvertes « Girls with Guns ». À l’origine de ce projet on retrouve Emily Dreissigacker qui s’est inspirée d’un programme similaire mis en place pour promouvoir le ski de fond aux États-Unis et au Canada. Depuis, à chaque camp, les meilleures biathlètes américaines se retrouvent auprès des jeunes filles autour d’activités sur la sécurité de la carabine, l’apprentissage du tir et le ski. Ces camps découvertes sont organisés une à deux fois par an et sont totalement gratuits. Les jeunes filles de 10 à 18 ans de tous niveaux y sont les bienvenues. Cette année, l’événement a eu lieu à Jericho dans le Vermont et a accueilli environ 100 enfants.

Team USA lors d’un camp découverte « Girls with Guns » (Photo : Green Racing Project)

Emily Dreissigacker : « Il s’agit habituellement d’environ 2 heures d’apprentissage au tir, de jeux amusants ou de relais à skis (ou à pied l’été), avec un peu de temps à la fin pour se détendre et discuter. »

Le financement

Pour parler du sujet du financement d’une carrière de biathlète aux États-Unis, il faut commencer par différencier deux « types » de biathlètes. D’un côté, les biathlètes confirmés évoluant en Coupe du Monde, et de l’autre les « espoirs », ceux évoluant en IBU Cup. Pour mieux comprendre ce qui va suivre il faut bien faire la différence entre ces deux types catégories, car cela change beaucoup de choses financièrement.

Un biathlète confirmé verra la majorité de ses dépenses liées au bon déroulement de sa carrière sportive payée par l’USBA, tandis que « les autres » devront mettre la main à la poche. Clare Egan nous racontait : « L’USBA couvre la plupart des dépenses sportives de l’équipe de la Coupe du Monde (voyages, nourriture, logement, camps d’entraînement, courses, entraînement, munitions, …), mais pas toutes. Et tous les athlètes de l’IBU Cup et du groupe de développement paient tous leurs propres dépenses de course/voyage. »

Exceptionnellement il arrive donc que certains biathlètes américains confirmés soient obligés de payer de leur propre poche certains frais, l’USBA essayant dans la mesure du possible que ce type de situation se produise le moins souvent possible. Quant aux « espoirs » qui courent en IBU Cup et dont les aides financières sont quasi nulles, cela pourrait pour certains mettre un terme de façon prématurée à leur carrière par faute de moyens.

Lowell Bailey, aujourd’hui retraité et directeur de la haute performance, racontait en février 2018 lors d’une interview : « Nous sommes toujours confrontés à des déficits budgétaires alors même que nous sortons de la meilleure année que nous n’ayons jamais connue.« 

Autre actrice du biathlon Américain, Joanne Reid nous expliquait : « Ce n’est pas la faute de l’USBA, mais du financement de l’USOC, qui paie ses PDG plusieurs millions de dollars et les athlètes n’ont presque rien, ils sont très mal payés. J’ai beaucoup plus de moyens grâce aux dons de personnes généreuses que par le biais de la sponsorisation. »

Car oui l’USBA ne possède pas un budget « infini » comme certains sports US et n’est pas financée par l’État américain comme peut l’être en partie la FFS en France. L’USBA est financée par des fonds privés et compte surtout sur les dons de généreux donateurs pour survivre et financer les carrières de ses biathlètes.

Médiatisation

Clare Egan : « Malheureusement, notre télévision est monopolisée par quatre sports masculins (baseball, football américain, hockey et basketball) et il n’y a presque pas de place pour autre chose. » On comprend donc qu’il est difficile de se faire une place dans le paysage audiovisuel-sportif américain dans lequel le « Big Four » occupe la grosse majorité du temps d’antenne.

À l’orée de la saison 2018-2019, NBC SPORTS, filiale de la compagnie de télévision NBC, a annoncé la couverture médiatique du biathlon pour les quatre saisons à venir avec un temps de diffusion équivalant à plus de 85 heures de direct par saison. Les américains peuvent également suivre la saison de biathlon sur NBC Sports Gold, la version streaming de NBC Sports, en souscrivant à un « Snow Pass » au prix de 69,99 $ l’année.

Il ne faut pas oublier de prendre en compte un facteur très important dans la couverture médiatique du biathlon, le décalage horaire entre le continent américain et notre bon vieux continent qu’est l’Europe. Pour exemple prenons le sprint homme de Ruhpolding de cette saison qui débutera à 14h30, heure de Paris. Pour une personne habitant à New-York et souhaitant suivre la course de Leif Nordgreen et compagnie, le départ sera donné à 8h30 chez lui, quand une personne de la Californie devra allumer sa télé à 5h30 !

Vous me direz que ce facteur de décalage horaire peut être comblé par la diffusion en replay des courses. Mais une course en replay, tout comme un match de foot, n’a pas la même saveur que de suivre en direct l’événement. D’autant plus que de nos jours, avec les smartphones, il est difficile de ne pas se faire « spoiler » un résultat sportif dès l’instant où celui-ci se termine.

Sponsoring

Il y a quelques années Susan Dunklee a su faire preuve d’originalité afin de trouver un sponsor. La vice-championne du monde 2017 de la mass-start a disposé un autocollant sur sa carabine, à l’endroit où les caméras des télévisions viennent se poser pendant les tirs, et sur lequel était écrit : « Des millions de téléspectateurs. Votre annonce ici ». À la suite de cette initiative, Susan réussit à trouver deux sponsors. Cependant l’un d’eux ne lui garantissait rien si elle ne finissait pas sur le podium, et finit même par se retirer l’année suivante.

Autre cas intéressant, celui de Clare Egan, meilleure biathlète américaine la saison dernière, qui est actuellement encore à la recherche de sponsors. Synonyme de difficulté, Clare Egan fait son autopromotion via son site internet sur lequel on retrouve une présentation détaillant les bénéfices que pourraient en tirer les entreprises souhaitant s’engager à ses côtés. Il se pourrait que cette saison Clare suive la même initiative que Susan il y a quelques années. Ne trouvez-vous pas qu’il y a encore de la place sur sa carabine ?

Clare Egan sur le pas de tir (Photo : Instagram Clare Egan)

Difficile pour ce sport encore peu connu outre-Atlantique de trouver une entreprise souhaitant investir financièrement, car très peu d’entre elles connaissent le biathlon et le rayonnement qu’il a en Europe.

Grace aux résultats sportifs obtenus ses dernières années et l’un intérêt croissant pour le biathlon, l’équipe américaine a annoncé en début de saison dernière deux nouveaux sponsors, Ariens et Maloja. Un contrat de 4 ans a été signé avec Maloja, et fournira aux athlètes des combinaisons de course sur mesure ainsi que des tenues d’entraînement, des vêtements de ville et des accessoires.

Tout au long du partenariat, Maloja continuera à travailler avec l’ensemble de l’équipe pour adapter les conceptions pour une performance optimale.

Le rapport aux armes

En moyenne aux États-Unis il se produit 1.37 fusillade par jour. On peut alors se demander quelle est relation qu’ont les biathlètes avec leurs armes et quelle vision ont-ils sur cette situation nationale ?

Suite à la fusillade de Las Vegas en octobre 2017 qui avait fait 58 victimes, Susan Dunklee racontait : « Cela m’a vraiment enlevé la joie que j’éprouvais à pratiquer mon sport. Pour moi, c’est quelque chose de totalement différent. Ça me donne presque envie de poser ma carabine et de ne plus jamais la toucher. Pour moi, tirer est une maîtrise de l’émotion, et une maîtrise de son corps.« 

Dans chacun des camps d’entrainement pour les jeunes biathlètes auxquels Susan Dunklee participe, la sécurité avec les carabines est une des premières choses qui leur est enseignée. À travers ces camps elle essaie de transmettre un message à la future génération de biathlètes américains. L’utilisation d’une arme à feu peut faire de réels dégâts et n’est pas une chose à prendre à la légère.

Sujet très important pour Clare Egan qui souhaite que son pays change : « Je pense que les pays européens ont des lois raisonnables sur la possession d’armes à feu, et les États-Unis devraient en avoir autant. »

Quel avenir pour le biathlon aux États-Unis ?

On peut s’imaginer le futur du biathlon Américain selon trois courbes de progression différentes. Une première courbe plutôt stagnante, voire décroissante. Une seconde qui serait croissante, qui nous semble être le scénario dans lequel il est engagé. Et enfin une courbe de progression exponentielle.

Le premier scénario, même si cela nous semble improbable, serait celui dans lequel le biathlon reste dans une forme de pseudo anonymat national et n’évolue pas énormément. Le public américain se lasse de ce sport et fini par ne plus être diffusé qu’en replay sur des chaînes payantes méconnues. Presque plus de financement ni de sponsoring pour les biathlètes et donc plus les moyens de voyager jusqu’en Europe.

Le second, une progression croissante qui s’appuierait de plus en plus sur la formation dès le plus jeune âge et la détection de futures pépites. L’apport de coachs et d’anciennes stars nationales et/ou étrangères qui viendraient apporter leurs expériences et les meilleurs conseils. Et enfin des résultats au haut niveau qui se feraient de plus en plus constants, avec comme objectif à court terme une médaille aux Championnats du Monde cette saison à Antholz et pourquoi pas un titre olympique en 2022 à Pékin.

Dernier scénario que pourrait connaître le biathlon américain, une progression exponentielle. Ce scénario serait celui d’une explosion des résultats dès cette saison, avec notamment une Clare Egan et un Sean Doherty à la lutte pour un top 10 au général ou un petit globe de cristal, mais aussi des relais capables de jouer la victoire tout au long de la saison.

Alors, selon vous, vers quoi se dirige le biathlon Américain ?

Nous tenons à remercier Clare Egan, Joanne Firesteel Reid, Emily Dreissigacker, Tim Burke, Jake Brown et l’USBA qui ont tous eu l’amabilité de prendre du temps afin de répondre à nos questions et de nous permettre d’écrire cet article au plus proche de leurs réalités. Nous souhaitons aux biathlètes américains une très bonne saison personnelle comme collective.

Retrouvez ci-dessous les liens vers les interviews des différents biathlètes d’hier et d’aujourd’hui qui ont accepté de nous répondre :

Version anglaise :

Horizon-Biathlon-n°1-Biathlon-in-the-land-of-cowboys-2

Sources :

https://fasterskier.com/

https://www.teamusa.org/

https://www.biathlonworld.com/

https://www.ideastream.org/

https://www.npr.org/

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