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Anne-Sophie Bernadi : « Des émotions extraordinaires »

À quelques jours de l’ouverture des Mondiaux, Anne-Sophie Bernadi, voix du biathlon sur la Chaîne l’Équipe, nous a accordé un long entretien. Dans cette première partie, la Catalane revient sur les deux premiers mois de compétition écoulés dans un contexte si particulier pour les biathlètes, mais aussi pour elle.

Bonjour Anne-Sophie. Depuis le début de saison vous commentez les courses depuis Paris. Est-ce une grande frustration de ne pas être sur place ?

C’est différent mais on a adapté notre dispositif en proposant quelque chose de cohérent et satisfaisant pour les téléspectateurs de la Chaîne l’Équipe. On a pris en compte le contexte sanitaire. Il y a quand même Tangi Kerhoas tout le temps sur le bord de la piste pour réaliser des interviews, mais aussi des reportages, des « inside ». Sur ça nous n’avons rien perdu. Le fait qu’on soit à Paris a permis aux téléspectateurs de découvrir les chroniques d’Alexis Bœuf (ndlr : « C’est pas sorcier le biathlon »). Je pense que nous avons très bien pallié notre absence sur place avec des éléments très intéressants en plateau à Paris : les chroniques d’Alexis, une interaction différente entre Messaoud Benterki et moi, mais aussi des consultants qui ont pu monter facilement à Paris malgré le contexte sanitaire.

Oui c’est différent. Mais je pense qu’on peut dire qu’à mi-saison nous nous sommes très bien adaptés et qu’on propose quelque chose de très intéressant aux téléspectateurs. Et au niveau du commentaire il a fallu aussi s’adapter. On continue de communiquer avec les biathlètes, de façon différente certes, mais il y a toujours une interaction avec eux.

Crédit photo : Twitter Anne-Sophie Bernadi
Est-ce finalement plus facile de commenter en studio que sur place ?

Finalement quand on s’assied dans notre cabine de commentateurs, quand on met notre casque sur nos oreilles, qu’on soit sur place ou à Paris ça ne change pas grand-chose je pense dans l’intensité du commentaire. Sur place j’ai l’impression d’être dans un tunnel avec deux écrans devant nous où l’on se fie aux mêmes images que vous avez chez vous proposées par l’IBU. Cette image de tunnel me revient assez souvent. J’ai l’impression de mettre des œillères, juste regarder les écrans et de vivre ce qu’il se passe et d’essayer de faire au mieux.

Je sens que ma personnalité peut s’exprimer en plateau et je trouve ça gratifiant.

Anne-Sophie Bernadi
La nouveauté cet hiver c’est qu’on vous voit beaucoup plus, que ce soit avant ou après les courses…

C’est vrai que j’ai pris une place différente cette année. Je propose quelque chose qui me ressemble beaucoup. D’être en plateau avec Messaoud Benterki, Alexis Bœuf et les consultants pour apporter de la spontanéité, du rire, de l’émotion. Je suis peut-être un peu trop émotive parfois à me mettre à pleurer sur certaines courses (rire). Je sens que ma personnalité peut s’exprimer en plateau et je trouve ça gratifiant. Après on essaie que ça ne soit pas uniquement folklorique ou superficiel, « qu’il ne faut pas la laisser toute seule dans sa cabine la pauvre ». Non, j’essaie d’apporter autre chose avec notamment une nouvelle chronique avec les trois choses que vous ne savez pas sur certains biathlètes. Apporter des petits à-côtés. Ça permet de mettre un peu plus en lumière mon travail.

Crédit photo : capture d’écran la Chaîne l’Équipe
Vous allez bientôt boucler votre premier cycle olympique en tant que commentatrice du biathlon sur la Chaîne l’Équipe. Est-ce toujours autant de plaisir de commenter cette discipline ?

Oui et sans vouloir faire de langue de bois c’est davantage de plaisir. Je ne vais mentir à personne en disant que mes débuts étaient un peu tâtonnants et que c’était difficile de trouver ma place. J’ai beaucoup travaillé pour ça. Au début la notion de plaisir n’était pas là. C’était très stressant, j’avais peur de ne pas être à la hauteur de ce sport-là. Ça n’a pas toujours été des moments faciles je dois l’admettre. Mais aujourd’hui le plaisir va vraiment crescendo. Il est quand même apparu assez rapidement, ça n’a pas été un calvaire de commenter la première saison. La notion de plaisir a toujours été là, mais elle est de plus en plus présente.

À chaque saison je me dis que je suis arrivée au maximum. La saison dernière avec la fin de carrière de Martin Fourcade, je me suis dit « on est à l’apogée, tu ne vivras jamais des trucs aussi forts ». Mais pourtant encore ces derniers jours on a vu à Antholz ce nouveau sprint d’Émilien Jacquelin face à Johannes Boe, cette seconde victoire de Julia Simon qui sort de nulle part. C’était fou ! Et je continue à vivre des émotions vraiment extraordinaires et à prendre davantage de plaisir course après course.

Il y a beaucoup de fraîcheur de la part de Sturla Holm Laegreid

Anne-Sophie Bernadi

Quel est votre point de vue sur cette première moitié de saison ?

Mon regard sur la saison c’est qu’on va de surprise en surprise. Je ne vais pas vous mentir, j’étais assez inquiète sur la tenue de cette saison au vu du contexte sanitaire. Malgré cette logistique extrêmement performante mise en place par l’IBU, j’avais du mal à croire qu’on vivrait toutes les courses, surtout quand on voit toutes les annulations dans les autres sports. Je trouve que c’est une prouesse. J’avais la sensation de prendre « course après course ». Et chaque course apportait son lot de surprises et me scotchait un peu plus. Je trouve qu’il y a des enseignements à tirer de chaque semaine de compétition.

Est-ce qu’il faut être déçu du début de saison des Français ? Je crois que le mot déception n’est pas celui qui convient. On s’est tous posés des questions, on a essayé de chercher des réponses sur, par exemple, pourquoi les Suédois sont si performants à Kontiolahti alors que les Français le sont moins ? Et ça c’est la force de notre dispositif avec des consultants très expérimentés, comme Alexis Bœuf, de tout de suite donner des clefs aux téléspectateurs.

Émilien Jacquelin EXPA/Adelsberger via VOIGT Fotografie
Crédit photo : EXPA/Adelsberger via VOIGT Fotografie

Ensuite on arrive à Hochfilzen avec la victoire de Quentin Fillon Maillet. Puis ces deux semaines à Oberhof. Que c’était long. Cette dernière semaine je me souviens on était tous fatigués. C’était un rythme hyper intense. Il y a eu l’explosion de Julia Simon, Émilien Jacquelin qui ne trouve pas la solution sur les épreuves individuelles mais qui flambe sur les relais. Il y a peut-être de trop nombreux podiums et victoires norvégiennes (rire). Ils sont aux quatre premières place du général. Oui on est un peu envieux, on aimerait évidemment que ce soit l’équipe de France à la place. Mais il y a beaucoup de fraîcheur de la part de Sturla Holm Laegreid. Je trouve qu’il fait du bien à ce circuit. Finalement il challenge Johannes Boe dont on a beaucoup dit que Martin Fourcade pourrait lui manquer. On se posait beaucoup de questions. Le biathlon s’apparente à une série TV. On a des questions puis on avance petit à petit et on trouve des réponses à chaque nouvelle course.

Et puis ce duel chez les filles entre Marte Olsbu Roeiseland et Tiril Eckhoff, sans oublier Hanna Oeberg qui revient dans ce match pour la quête du classement général. On avait l’inconnu du retour d’Anaïs Chevalier-Bouchet qui revenait de sa grossesse. On se demandait comment ça allait se passer. Est-ce-que Julia Simon, qui avait remporté la dernière course la saison précédente, allait confirmer ? J’ai du mal à résumer cette première partie de saison, tant on a été bousculés dans nos attentes et souvent très agréablement surpris par ce qu’on voit tous les week-ends.  

la deuxième partie de notre entretien avec Anne-Sophie Bernadi consacrée aux Mondiaux est disponible ici.

Crédit photo : Twitter Anne-Sophie Bernadi