De retour d’un stage à Bessans, Ingrid Tandrevold, numéro huit mondiale, triple médaillée aux Mondiaux de Pokljuka et vainqueure en Coupe du Monde, a répondu à nos questions.
Bonjour Ingrid. Nous sommes à moins de trois mois du début de l’hiver. Comment allez-vous ? Êtes-vous satisfaite pour le moment de votre préparation ?
“Tout va bien pour moi ! Nous rentrons d’un stage de presque trois semaines à Bessans qui s’est bien passé. Beau temps, de bonnes sessions d’entraînement et en altitude. C’est le deuxième des trois stages en altitude de la saison avant les Jeux Olympiques de février. L’entraînement s’est très bien passé même si j’ai été blessée au pied cet été. En fait, j’ai l’impression d’en avoir tiré du positif parce que j’ai été obligée de concentrer mes entraînements sur le haut du corps, et ça a toujours été mon point faible dans le passé. Donc je pense que je sors plus forte de cette période.”
En mars vous avez remporté votre première victoire individuelle en Coupe du Monde sur la toute dernière course de l’hiver. À quel point c’était une grande satisfaction pour vous de s’imposer ?
“Terminer la saison sur la plus haute marche du podium avec le petit globe de la mass-start en bonus a dépassé toutes mes attentes. Mon objectif depuis longtemps était de monter sur la plus haute marche du podium, donc c’était génial d’y parvenir enfin. En fait, je pense que c’était encore mieux que de remporter des médailles aux Championnats du Monde. Ce que je préfère de beaucoup c’est d’être la première. Ce n’est pas vraiment comme si je montais sur le podium tous les week-ends en plus aha !”
Les deux hivers précédents, l’étape à Holmenkollen a été annulée ou déplacée sur un autre site. Cela a dû être une grande déception pour vous, vos coéquipiers et le public norvégien. Est-ce que ce sera encore plus festif de retourner à Kollen cette saison ?
“J’espère et je crois que nous pourrons enfin retourner courir à Holmenkollen en 2022 ! C’est le stade dans lequel je me suis entraînée toute ma vie, donc c’est un peu plus excitant, surtout quand vous avez la famille et les amis dans les tribunes. De plus, je pense que c’est un stade fantastique qui est très sympa de montrer aux étrangers. Tous les stades n’ont pas vue sur la mer !”
Je me souviens très bien que j’ai dû éteindre mon téléphone après le relais aux Jeux Olympiques de PyeongChang parce que je recevais beaucoup de messages désagréables.
Ingrid Tandrevold
La prochaine saison sera très importante avec les Jeux Olympiques. Est-ce que les Jeux seront une priorité pour vous cet hiver ?
“C’est une saison olympique, on s’entraîne donc un peu plus en altitude et avec un peu plus de préparation supplémentaire en amont. Mais moi je pense que dans le biathlon, la meilleure forme se joue beaucoup sur le mental. C’est pourquoi, je pense que la meilleure façon d’attaquer les Jeux Olympiques c’est d’avoir un bon ski et une bonne confiance en soi. Je ne suis jamais allée à Pékin, mais d’après ce que j’ai entendu, il peut y avoir beaucoup de vent et des conditions difficiles. On ne sait jamais si on aura de la chance ou pas avec la météo, tout peut arriver. Donc mon objectif c’est de faire autant de bonnes courses que possible tout au long de la saison.”
Vous évoluez dans la nation phare du ski nordique. Il y a beaucoup d’attentes sur vous et l’ensemble de l’équipe norvégienne. Comment vivez-vous cette pression ?
“C’est certain qu’il y a beaucoup de pression et d’attentes en Norvège pour nous, les athlètes de sports d’hiver. Mais je pense aussi que la plus grosse pression on se la met tout seul. Je suis un peu épargnée puisque les deux meilleures biathlètes féminines du monde sont dans mon équipe et ce sont probablement elles dont on attend le plus. Mais je me souviens très bien que j’ai dû éteindre mon téléphone après le relais aux Jeux Olympiques de PyeongChang parce que je recevais beaucoup de messages désagréables.”
Je passe plus de temps avec Tiril qu’avec mon copain (rire). Je pense que notre force est que nous nous amusons beaucoup ensemble.
Ingrid Tandrevold
On sait que vous entretenez une relation très forte avec Tiril Eckhoff. Ça doit être une force d’avoir sa meilleure amie dans l’équipe pendant la saison non ?
“C’est absolument fantastique d’avoir sa meilleure amie dans l’équipe ! Avec autant d’entraînements à Oslo en commun et les voyages ensemble pendant la Coupe du Monde la moitié de l’année, je passe plus de temps avec Tiril qu’avec mon copain (rire). C’est encore mieux de l’avoir dans l’équipe quand les choses vont mal et que vous pouvez compter sur un bon câlin. Mais c’est aussi deux fois plus de fun quand ça va bien pour nous deux comme par exemple à Hochfilzen en décembre dernier ! Je pense que notre force est que nous nous amusons beaucoup ensemble. Nous arrivons à rire et à nous amuser même si les compétitions sont sérieuses. Le plus important reste de s’amuser, ce qui nous permet d’être plus performantes !”
Vous venez de terminer un stage du côté de Bessans. Est-ce un endroit idéal pour travailler la haute altitude en vue des Jeux Olympiques ? On croit savoir que vous parlez un peu français !
“Le stage à Bessans était absolument fantastique ! On reviendra à coup sûr ! Ma grand-mère est née et a grandi à Paris, et j’avais le français en option à l’école. Mais malheureusement, ça commence à dater donc j’ai beaucoup perdu. Mais mon objectif est d’arriver à faire une interview en français ! Je peux prononcer des phrases simples et poser des questions simples (probablement avec beaucoup de fautes de grammaire). Mais c’est difficile de comprendre les réponses, vous parlez trop vite pour moi (rire).”
J’attends avec impatience la Coupe du Monde au Grand Bornand !
Ingrid Tandrevold
Le biathlon est un sport populaire depuis peu en France et le public ne soutient principalement que ses athlètes. Néanmoins les Norvégiens sont parmi les athlètes internationaux les plus populaires. Est-ce que vous observez des publics différents selon les étapes ?
“C’est tellement cool que le biathlon soit devenu populaire en France, et j’attends avec impatience la Coupe du Monde au Grand Bornand ! C’était super de courir là-bas avec un public jeune. Il y avait même des gens qui avaient allumé des fumigènes le long de la piste (rire). On se serait cru dans un stade de foot. C’est très différent d’un stade à l’autre. En Allemagne, il y a beaucoup d’encouragements pour les Norvégiens depuis les tribunes (probablement parce qu’il y a beaucoup de Norvégiens là-bas aha). Alors qu’en France, il n’y a presque que des encouragements pour les Français ! J’espère que vous pourrez m’aider et m’encourager aussi en décembre (rire).”
Vous arrivez sur vos 25 ans. On sait que les athlètes féminines n’ont pas la même progression linéaire que les hommes et que la maturité sportive arrive plus tard. Ça vous laisse une belle marge de progression. Comment envisagez-vous celle-ci ? Auriez-vous un conseil à donner aux jeunes athlètes féminines qui stagnent à un palier et qui pourraient se démotiver ?
“J’aurai 25 ans dans quelques semaines ! J’adore les anniversaires ! Faut faire la fête quand on peut, la vie est trop courte pour ne pas la faire ! Quand j’étais plus jeune, je pensais à très court terme et j’étais très impatiente. Maintenant que je commence à avoir plus d’expérience, je suis un peu plus calme, et je maximise moins les crises (du moins je crois aha) si les choses ne se passent pas exactement comme prévu ou comme je le souhaite. J’ai appris que le plus important est de faire des entraînements de qualité, de travailler dur. Et ça finira par payer. C’est mon meilleur conseil pour les jeunes athlètes féminines. N’oubliez pas que ce que vous faites maintenant vous l’emmagasinez et vous le récupérerez plus tard même si vous ne voyez peut-être pas les résultats tout de suite. Et n’oubliez pas que le but n’est pas l’arrivée mais le voyage. Il est très important de s’amuser aussi pendant le trajet !”
Crédit photo : Kevin Voigt