Avant la deuxième étape du Summer Tour ce week-end, Caroline Colombo nous a livré un long entretien. Tout juste remise d’une infection, la biathlète de Mouthe espère retrouver rapidement le chemin vers la Coupe du Monde cet hiver.
Bonjour Caroline. Est-ce que vos soucis de santé sont derrière vous ? Vous étiez absente aux Plans d’Hotonnes en septembre. Serez-vous bien au départ de la deuxième étape du Summer Tour ce week-end à Arçon ?
« Lundi dernier je vous aurais dit que c’était quasiment sûr que je n’allais pas courir au Summer et que je commençais à vraiment m’inquiéter pour ce début de saison. Et au final, on a commencé à solutionner le problème, à trouver d’où ça venait exactement, donc là c’est vraiment très très vite reparti, presque aussi vite que c’est venu. Donc c’est vraiment de bon augure. C’est sûr que je serai alignée sur l’étape d’Arçon et je reprends confiance pour ce début de saison. C’est une bonne nouvelle, il y a eu un peu de stress et d’appréhension. »
Au niveau de la forme comment vous sentez-vous ?
« Pour la forme j’avais fait vraiment une très belle préparation cet été et il ne me manquait plus que les intensités pour être en forme cet automne. Là, j’ai beaucoup de fraîcheur et très peu d’intensité. J’ai fait un tout petit mois de septembre. C’est mon plus petit mois de l’année avec très peu d’heures et des heures douces et calmes sans mettre d’intensité comme c’est le cas souvent au mois de septembre/octobre. Là je reprends doucement, il en manquera forcément pour ce Summer Tour mais j’attends de voir ce que ça donne. »
Je me suis dit qu’on ne comptait plus sur moi.
Caroline Colombo
Vous aviez très bien débuté en Coupe du monde l’hiver dernier, puis vous avez connu un long passage à vide au niveau du tir en redescendant en IBU Cup, malgré un niveau de ski qui vous permettait de jouer devant. Mais votre résilience vous a permis de décrocher un podium sur la dernière course de la saison. Six mois après, quel bilan faites-vous de cette saison ?
« J’en tire beaucoup d’enseignements. J’ai compris que je pouvais avoir le niveau Coupe du Monde, que je pouvais montrer des temps corrects en ski, que le tir je sais tirer quand je suis relâchée et quand je fais juste ce que je sais faire sans vouloir en mettre trop et oublier le principal qui est le plaisir. J’en tire juste que je sais faire mais que je n’ai pas su le faire. Et maintenant j’ai essayé de tout mettre en place pour être beaucoup plus régulière, active. Que ce soit moi qui décide ce que je veux faire et que je ne subisse pas les contre-performances. C’est mon plus grand enseignement. Je sais montrer un bon niveau mais j’ai du mal à être régulière, à aligner les planètes, le ski et le tir.
» Et maintenant j’ai essayé de bien travailler cet été pour gagner en régularité car cela permet d’être plus calme et plus sereine, et c’est ce qui me permettra de matcher à toutes les courses, ou au moins le plus régulièrement possible. J’ai beaucoup joué à être plus relâchée cet été, c’est ce qui m’a clairement manqué l’an dernier. J’ai manqué de confiance, j’ai perdu confiance et après je me suis mise à être beaucoup plus tendue derrière la carabine et c’est ce qui m’a porté préjudice. »
Fin mai, les groupes nationaux ont été dévoilés. Comment avez-vous réagi en apprenant que vous ne feriez pas la préparation estivale avec le groupe A ?
« Ça a été un petit peu dur. J’aurais accepté d’être « rétrogradée » dans le groupe B sans aucun souci. Simplement, les derniers discours que j’avais pu avoir avec certaines personnes ne m’avaient pas préparé à cette décision, donc je ne m’y attendais pas du tout. J’avais discuté avec certaines personnes au niveau de la fédération en fin de saison qui ne m’avaient pas laissé comprendre ce choix de groupe. Donc ça a été dur clairement. Je me suis dit qu’on ne comptait plus sur moi. Mais je n’ai jamais eu de soucis de motivation, puis j’ai appris que je voulais faire du biathlon pour moi. Faire une belle préparation qui, si ça se passe bien, pourra me ramener dans ce groupe A. »
« Je n’avais pas compris qu’on n’utilise pas le septième quota pour la dernière étape de Coupe du Monde (ndlr : l’hiver dernier à Ostersund) au niveau féminin et qu’on l’utilise pour les garçons. J’avais été un petit peu surprise. Il y a un critère d’IBU, chaque année c’est le même. Quand tu fais un podium, tu montes en Coupe du Monde. En Coupe du Monde, elles avaient toutes bien figuré mais là il y avait une place supplémentaire. C’est vrai que j’aurais vraiment aimé participer à cette dernière, continuer sur ma lancée de l’IBU Cup. Mais quand on part sur une bonne note, c’est quand même mieux pour reprendre la préparation. »
Si tu veux suivre une Anaïs Chevalier à l’entraînement t’es obligée de te coucher tôt et d’avoir une hygiène de vie très saine.
Caroline Colombo
Suite à votre absence dans le groupe Coupe du Monde pour la préparation, avez-vous mis les bouchées double ?
« J’en ai beaucoup discuté avec mes entraîneurs Julien Robert et Baptiste Desthieux. Je sais que sur le tir le niveau en B est très bon. On a des filles qui ont des très bonnes stats et qui tirent relativement vite donc là-dessus je ne me faisais aucun souci. Au niveau du ski, j’ai besoin d’avoir beaucoup de références, d’être « accompagnée » parce que je suis quelqu’un qui doute beaucoup, qui se pose parfois beaucoup de questions, et j’avais un peu peur de m’endormir. J’ai cherché la confrontation avec les garçons. Je suis beaucoup allée avec eux, que ce soit en ski ou en tir. Je me suis servie des atouts de chacun et j’ai essayé aussi d’aider le groupe à s’améliorer, à progresser. C’est donnant donnant pour moi dans une équipe. Au final ça s’est bien passé. »
« Depuis deux ans où j’étais en A, je faisais le job à 200%. Si tu veux suivre une Anaïs Chevalier à l’entraînement, t’es obligée de te coucher tôt et d’avoir une hygiène de vie très saine pour moi qui était un cran en dessous. Au mois de juin, je me suis surprise parfois à être moins rigoureuse dans mon hygiène de vie, dans les petits à côté du biathlon parce que j’étais moins poussée à l’extrême à l’entraînement. Et je l’ai très vite compris, ça n’a pas duré trop longtemps. Je me suis très très vite reprise. J’en ai discuté avec mes entraîneurs pour qu’eux n’hésitent pas à me reprendre. J’ai besoin de ça des fois car on ne se rend pas forcément toujours compte. Parfois une petite remarque ça fait du bien aussi, ça n’a jamais tué personne. À partir de fin juin-début juillet il n’y a eu aucun souci et j’ai su être beaucoup plus pro dans ma préparation. »
Ce qui me fait avancer c’est d’être active dans ma préparation. Je ne suis pas le genre d’athlète qui va regarder ce qu’elle va faire la veille pour le lendemain.
Caroline Colombo
Quels ont été vos axes de travail cet été ? Vous êtes-vous attardée sur des points spécifiques ?
« J’ai tout changé de manière générale, énormément de choses dès le mois d’avril. J’ai changé toute ma position de tir. Je suis allée voir Franck Badiou deux jours après les Championnats de France en lui disant « voila ce que je n’aime pas dans mon tir, voila ce que je veux changer ». On a vraiment tout révolutionné. Au début ça a été assez difficile. J’avais vraiment une nouvelle position en tir et j’avais du mal à m’accommoder à ça. Depuis août, ça commence à vraiment bien se passer et à devenir quelque chose de très naturel. Au niveau physique, la préparation n’a pas vraiment beaucoup changé. On a su simplement travailler sur d’autres points. »
« J’ai eu aussi un autre regard technique avec Baptiste Desthieux et Louis Deschamps. Ça m’a permis d’aller chercher d’autres points techniques tout en gardant ce que je cherchais à améliorer les années précédentes. Ça a été un plus aussi d’avoir un nouvel œil. Et surtout ce que j’ai cherché à faire, que je veux retrouver cet hiver c’est du relâchement. Quand tu es relâché, les balles vont au fond, et c’est juste ce qui m’a manqué l’an dernier donc on a beaucoup travaillé ça avec Julien Robert sur le tir. »
« Ce qui me fait avancer c’est d’être active dans ma préparation. Je ne suis pas le genre d’athlète qui va regarder ce qu’elle va faire la veille pour le lendemain. Le dimanche soir je regarde ce que je vais faire toute la semaine. Même avant, je suis beaucoup avec Baptiste (Desthieux) pour discuter de l’entrainement. J’ai besoin d’être active là-dessus et d’être entreprenante. C’est ce qui me permet de continuer le biathlon avec autant de plaisir, si je subis je n’aime pas ça. Je veux que ce soit mon projet. »
L’été est l’occasion pour les biathlètes d’apporter des changements à leur carabine. De votre côté, avez-vous fait des changements significatifs sur la votre ?
« J’ai changé de couleur parce qu’après une mauvaise année de tir il faut changer de couleur. Des modifications non, car j’avais déjà refait ma crosse il y a deux ans et j’avais vraiment bien réfléchi là-dessus donc il n’y avait pas de soucis par contre j’ai changé toute ma position. En couché entre ma main gauche et mon épaule droite, j’ai essayé de raccourcir pour être plus relâchée derrière la carabine. Être moins tendue pour essayer de faire plus corps avec la carabine, d’être plus proche d’elle. Pareil en debout la rapprocher vers moi et moins la porter et il a donc fallu changer toute ma position aussi. Moins porter l’arme et être plus posée. »
Découvrir les Jeux en tant que remplaçante ce sera déjà quelque chose de beau aussi, parce que les Jeux Olympiques on en rêve tous.
Caroline Colombo
Quels sont vos objectifs de la saison ? Avec une place vacante dans le groupe Coupe du Monde, on suppose que c’est de remonter rapidement et de perdurer sans refaire l’ascenseur comme les deux derniers hivers.
« Exactement. Plus que des objectifs de résultats ce sont des objectifs personnels. Je sais que si je fais de bons temps de ski comme l’an dernier et que j’ai des résultats au tir qui sont plus réguliers et meilleurs que l’an passé, ça me permettra de perdurer sur la Coupe du Monde. Je n’ai pas envie de me dire « il faut que je batte celle-ci » ou « il ne faut pas que je me fasse battre par elle ». Il faut juste que je me concentre sur moi et c’est comme ça que ça matchera. »
« Cette année au niveau mental j’ai décidé de ne de pas axer ma préparation sur les autres, de la faire que sur moi. Un objectif de résultat dépend des autres. Je ne voulais pas rentrer la dedans pour cette année. Bien-sûr, si je reste toute la saison en IBU Cup ce sera une saison qui ne sera pas bonne. Quand on goûte à la Coupe du Monde on a envie d’y gouter à nouveau. Quand on descend, parfois ça a un petit goût amer, donc une envie de faire des bons résultats qui me permettent de m’épanouir sur le circuit Coupe du Monde. »
Ce sixième quota en Coupe du Monde passera forcément par un résultat en IBU Cup en début de saison ?
« Exactement. Il faudra être forte à Idre (ndlr : première étape d’IBU Cup en Suéde). On sait déjà que la première étape d’IBU Cup donnera un ticket pour la Coupe du Monde. »
Sur cette saison olympique, on imagine que vous rêvez d’embarquer pour Pékin. Pour vous, est-ce un objectif réalisable sachant qu’il n’y a que quatre places de titulaires et deux de remplaçantes ?
« Je ne veux pas en parler. On en parle, on nous en parle souvent, et justement d’être sereine, d’être relâchée par rapport à ça si je viens à faire des bons résultats. Découvrir les Jeux en tant que remplaçante ce sera déjà quelque chose de beau aussi, parce que les Jeux Olympiques on en rêve tous. Je ne suis jamais allée sur un grand événement donc ce serait beau de découvrir cette magie. Cette année, je ne veux rien m’interdire. Il ne faut pas avoir peur de gagner, je veux aller vers l’avant. On va déjà commencer le début de saison. Jusqu’à il y a une semaine je ne pensais pas courir avant le mois de janvier. Je vais doucement, pas à pas, mais je sais qu’il y a les Jeux Olympiques donc pourquoi pas ? Je ne m’interdis rien. »
Crédit photo : Kevin Voigt