Handisport

Benjamin Daviet, un champion hors du commun

De son accident en 2006, passant par sa razzia aux Jeux Paralympiques de 2018, jusqu’à aujourd’hui, Benjamin Daviet a eu la gentillesse de répondre à nos questions et nous fait découvrir un peu plus sa discipline…

Pour débuter, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le biathlon handisport ? Y-a-t-il de grandes différences avec le biathlon pour personnes valides ?

« Il y a trois catégories différentes en biathlon handisport. Il y a la catégorie des assis, la catégorie des debout et la catégorie des mal/non-voyants. Le biathlon se pratique avec une carabine à plomb et à 10 mètres pour les assis et les debout. Pour les mal/non-voyants, ils sont aussi a 10 mètres avec une carabine laser sonore. La différence entre l’IBU et le handisport c’est que nous sommes à 10 mètres avec une cible de 1,2cm de diamètre. Nous n’avons pas de tir debout, nous ne portons pas notre carabine. Il n’y a pas de mass-start. Nous ne faisons que des courses en départ individuel. Le sprint (7,5km), le biathlon moyenne distance (12,5km) et l’individuel (15km). »

Comment se déroule un hiver en biathlon handisport ? Avez-vous des compétitions chaque week-end avec des Mondiaux comme point d’orgue (hors années olympiques) ? 

« Nous avons des Coupe du Monde tous les mois. De décembre à mars. Nous faisons une Coupe du Monde par mois où il y a trois courses en biathlon et trois courses en ski de fond. Les six courses se font sur huit jours . Depuis l’année dernière, nous avons les championnats du Monde tous les ans en biathlon et tous les deux ans en ski de fond. Les années précédentes c’était tous les deux ans en fond et biathlon. »

En février 2019, Benjamin Daviet a remporté cinq titres mondiaux sur autant de courses disputées. Crédit photo : Canadian Paralympic Committee

Comment s’organise le biathlon handisport en France ? 

« Il y a des coupes de France handisport l’hiver. Mais en règle générale, on s’entraîne avec un club valide ou seul. Quand on rentre en équipe de France, on a des stages tous les mois avec les entraîneurs de l’équipe de France . Un entraîneur de tir et un entraîneur physique et technique. »

L’équipe de France de biathlon handisport comporte combien d’athlètes ? Avez-vous des entraîneurs/staff attitrés ? 

« Depuis le mois de mai nous ne sommes plus que deux. Il y a Anthony Chalençon qui est non-voyant . Il y a aussi deux guides, Alexandre Pouyé et Brice Ottonello . Et moi. Nous avons les mêmes entraîneurs. Vincent Duchêne pour tout ce qui est préparation physique et technique en ski et Pascal Margueron en tir. »

Pouvez-vous présenter votre parcours ? Et comment en êtes-vous arrivé à pratiquer ce sport ? 

« Mon parcours est peu banal. J’ai eu un accident de mobylette en juillet 2006. J’avais 17 ans. Je me suis fracturé le condyle interne. Pendant l’opération, j’ai attrapé un staphylocoque doré. Le staphylocoque m’a rongé le cartilage, le ménisque, l’articulation … Je me suis retrouvé avec une jambe totalement raide en trois jours. Je ne peux plus plier ma jambe. J’ai zéro flexion. Ma jambe est en extension totale. J’étais sportif à la base mais pas en haut niveau. En décembre 2010, j’ai décidé de me remettre au sport. J’ai appelé mon oncle pour qu’il me prête son matériel de ski de fond. Ensuite, je suis parti sur les belles pistes de ski de fond du Grand Bornand. C’était un calvaire mais ça m’a fait du bien de prendre l’air et le goût de l’effort. Depuis ce jour-là, je retourne sur les pistes tous les jours. J’ai fait une sélection en mars 2011 pour rentrer en équipe de France ou j’ai été admis. »

Est-ce-que vous pratiquiez le biathlon avant votre accident ? 

« J’ai pratiqué le ski de fond de 11 à 14 ans. Mais pas le biathlon. Du ski alpin de 5 à 10 ans et du football de 5 à 17 ans. »

Qu’est-ce-qui vous plaît le plus dans ce sport ? 

« Ce qui me plaît le plus dans ce sport c’est le dépassement de soi, l’effort, les sensations de glisse et la liberté que l’on a dans la nature. Le mélange ski de fond et tir et surtout la beauté de ce sport. »

Comment préparez-vous la nouvelle saison ? Avez-vous des stages ? 

« Je fais beaucoup de ski-roues, de tir, de vélo et de musculation. Mon coach me fait un programme par semaine avec beaucoup de tests physiques et des tests de fatigue pour préparer au mieux la saison. Nous avons des stages tous les mois. Environ 15 jours. »

Accompagné de Brice Ottonello, Anthony Chalençon et Vincent Duchêne, Benjamin Daviet était en stage à Bessans durant le mois d’août. Crédit photo : Ski Chrono

La fin de saison a vraiment été impactée

Comment la pandémie de Covid-19 impacte votre préparation ? Et comment a-t-elle impacté la fin de la dernière saison ?

« Nous devons réaliser des tests Covid-19 avant de partir en stage. Pour le moment nous ne sommes pas trop impactés pendant notre préparation. Il devait y avoir les Championnats du Monde de biathlon en mars à Ostersund en Suède mais malheureusement ils ont été annulés la veille de notre première course. Donc la fin de saison a vraiment été impactée. »

Vos victoires lors des derniers Jeux Paralympiques ont-elles donné plus de visibilité à votre discipline ? 

« Il y a un peu plus de visibilité mais malheureusement on parle de nous que tous les 4 ans pendant les Jeux Paralympiques. Il serait bien qu’à ce jour en France, on parle plus de nous et du sport paralympique en général. Au moins pendant les Championnats du monde. »

Benjamin Daviet a réalisé une véritable razzia lors des derniers Jeux Paralympiques de 2018 en remportant cinq médailles dont trois titres. Crédit photo : Maxppp

Vous êtes-vous fixé des objectifs pour le prochain hiver ? J’imagine que vous avez déjà les Jeux Paralympiques de Pékin 2022 dans un coin de votre tête…

« Évidemment me fixer des objectifs est primordial pour moi, c’est ce qui me fait avancer et progresser. Mon objectif principal c’est les Championnats du Monde qui auront lieu en février à Lillehammer en Norvège. Les Jeux sont primordiaux pour moi, et comme tout sportif, donc oui je pense très souvent aux Jeux. »

Je serais vraiment heureux de courir à domicile

Est-ce-que vous arrivez à vivre de votre discipline ? Les sponsors soutiennent-ils suffisamment le biathlon handisport ? 

« J’ai la chance de pouvoir vivre de mon sport grâce à mon contrat avec le ministère de la défense. Je fais partie de l’armée des champions. J’ai aussi des sponsors et des partenaires qui me soutiennent en privé et sans eux je n’aurais pas tout ce palmarès et j’en suis très reconnaissant et je les remercie énormément de me soutenir. »

Originaire du Grand Bornand, que pensez-vous d’avoir une étape de Coupe du Monde à domicile ? Serait-il possible qu’une étape de Coupe du Monde de biathlon handisport ait lieu aussi chez vous ?

« C’est juste incroyable d’avoir une étape de Coupe du Monde à domicile. C’est super pour notre village, notre station et l’ambiance est plus que folle. Je ne sais pas si cela arrivera un jour mais je serais vraiment heureux de courir à domicile. On croise les doigts. »

Interview réalisée par Justine Verhoest.

Crédit photo : Getty Images