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Joanne Firesteel Reid « L’USBA ne dispose pas d’un budget énorme, mais ils essaient de faire de leur mieux. »

Nouvelle interview exclusive sur Biathlon Live ! Pour la rédaction de notre reportage Horizon Biathlon n°1 sur le biathlon aux États-Unis, Joanne Firesteel Reid a eu l’amabilité de répondre à quelques questions.

  • Prénom : Joanne
  • Nom : Firesteel Reid
  • Date de naissance : 28 juin 1992
  • Lieu de naissance : Madison (Wisconsin)
  • Nationalité : Américaine
  • Instagram : jfiresteel

Vous venez d’une famille de sportifs, votre mère a gagné une médaille de bronze aux Jeux olympiques de 1980 et votre oncle maternel est 5 fois champion olympique et légende de son sport. Je pense donc que le sport, en général, est une culture dans votre famille ?

« J’ai certainement grandi plus orientée vers le sport que la moyenne des gens. Cependant, je pense qu’il est assez courant pour les sportifs d’avoir des enfants qui sont aussi des sportifs, parce que c’est le mode de vie qu’ils ont et qu’ils élèvent leurs enfants ainsi.

Sans le soutien de vos parents dans ces années de développement où vous n’avez ni finances personnelles, ni mobilité, ni même beaucoup d’influence sur la façon dont votre vie est organisée, il est vraiment difficile de faire du sport, ou toute autre activité. Avec leur soutien durant ces années de développement, il est plus facile d’aller aux compétitions, aux entraînements, d’acquérir de l’équipement. Mes parents soutenaient toutes les activités dans lesquelles mes frères et moi nous sommes aventurés.

J’ai grandi en Californie, à environ 4 heures de route de la neige la plus proche. Je ne dirais pas que mon chemin vers un sport d’hiver était normal, facile ou évident. Pendant ma jeunesse, j’ai pratiqué la natation pendant 10 ans, j’ai couru pour mon collège et mon lycée, j’ai joué au foot presque toute ma scolarité et fait très peu de ski, car c’était loin. C’est assez étonnant de voir que j’ai fini par participer à des compétitions collégiales et faire du biathlon pour gagner ma vie des années plus tard, en connaissant l’histoire de ma famille dans les sports d’hiver. »

La saison dernière, 2 épreuves de Coupe du monde ont eu lieu en Amérique du Nord, dont une aux États-Unis à Salt Lake City (Soldier Hollow, Utah). Comment avez-vous vécu cette semaine de compétition dans votre pays ? Votre famille est-elle venue vous encourager ?

« C’est une question intéressante parce que je pense les gens oublient souvent l’immensité de notre pays. Ma famille est celle qui vit la plus proche de Soldier Hollow de tous mes coéquipiers qui ont participé à la Coupe du Monde, et ils sont pourtant à 12 heures de route. Ils ont pris l’avion et sont venus à toutes mes courses ! J’espère qu’ils ont passé un bon moment !  Je vis à environ 4 heures de route de Soldier Hollow et je m’y entraîne beaucoup l’été, alors d’une certaine façon je dirais que j’étais la seule athlète à être à domicile. »

Vous sortez d’une saison réussie avec des résultats particulièrement bons aux Championnats du Monde à Ostersund. Quels sont vos objectifs pour la saison à venir ?

« Je ne me fixe pas d’objectifs axés sur les résultats comme le font la plupart des athlètes, à mon avis. Je me préoccupe davantage de la performance et je veux être meilleure techniquement en ski et en tir, je veux atteindre plus de cibles et mieux skier sur le parcours. Quelle que soit la façon dont cela se manifeste, le rang et la place qui me resteront seront ce qu’ils seront. Atteindre l’excellence est plus important pour moi que le classement final. »

Joanne en sortie à la montagne.

Les prochains Championnats du Monde seront organisés à 1700m d’altitude à Antholz. Avez-vous adapté votre entrainement en conséquence ? Si oui, de quelle façon ?

« Je suis la fille d’altitude de notre équipe. Je vis haut, je m’entraîne haut, j’évolue haut. L’État où je vis a l’altitude moyenne la plus élevée de tous les États Américains, et les pistes de ski les plus proches de chez moi sont à plus de 3200 mètres d’altitude. Je n’ai pas besoin de beaucoup m’adapter, c’est beaucoup plus difficile pour moi de courir à basse altitude qu’à haute altitude.

Notre entraîneur (Armin Auchentaller) vient d’Antholz, et je pense qu’il a un plan particulier pour tous nous préparer pour les Championnats du Monde dans sa ville natale ! »

Votre pays est numéro 1 dans de nombreux domaines et dans de nombreux sports, mais le biathlon est un sport peu développé et peu promu par rapport au potentiel qu’un tel pays pourrait avoir. Comment voyez-vous l’évolution de votre sport depuis vos débuts ?

« Dans chaque histoire à succès, il y a un petit groupe qui traverse un cap décisif. Je pense que Susan, Tim, Lowell et Clare nous ont déjà aidés à franchir ce cap et nous sommes en pleine ascension. Nous avons de meilleurs entraîneurs, de meilleurs employés, un meilleur soutien que jamais, et cela se traduit par nos meilleurs résultats d’équipe. Notre groupe est fort et je pense que nous pouvons nous attendre à nous améliorer d’année en année. Rien n’arrive du jour au lendemain, mais je pense que nous y arrivons. »

Lowell Bailey dans une interview pour le site web NPR a déclaré que le biathlon aux États-Unis fait toujours face à des problèmes budgétaires. Comment l’USBA vous aide-t-il lorsque vous voyagez en Europe ? Devez-vous parfois payer certaines dépenses avec votre propre argent ?

« Nos athlètes, même les mieux payés de notre équipe, se situent très près du seuil de pauvreté. Ce n’est pas la faute de l’USBA, mais du financement de l’USOC, qui paie ses PDG plusieurs millions de dollars et les athlètes n’ont presque rien, ils sont très mal payés. Il faut savoir que les athlètes olympiques américains ne sont pas payés pour aller aux Jeux olympiques et qu’ils sont très peu payés par médaille gagnée.

L’USBA ne dispose pas d’un budget énorme, mais ils essaient de faire de leur mieux. Selon l’année et la rigueur budgétaire, nous pouvons payer n’importe quoi, du simple billet d’avion jusqu’à la totalité des frais de la Coupe du Monde. Dans la plupart des cas, notre organisation essaie de s’assurer que la Coupe du Monde ne soit jamais autofinancée, mais cela arrive tout de même parfois.

Certains de mes coéquipiers ont décidé de s’engager dans l’armée Américaine pour avoir de l’argent pour couvrir leurs dépenses. C’est un chemin et un investissement personnel difficile parce que vous devez partir pour quatre mois, pendant lesquels vous ne pouvez pas vous entraîner, mais après vous avez un salaire stable pour payer votre vie de biathlète.

Au final il n’y a pas vraiment de bonne solution, car vous ne pouvez pas travailler à temps plein et faire du biathlon. »

Joanne à l’entraînement.

De même pour les sponsors, il y a quelque temps, Susan Dunklee avait collé un autocollant sur son fusil qui disait : « Des millions de téléspectateurs. Votre annonce ici » qui lui a permis de trouver rapidement des sponsors. Est-il difficile pour vous d’avoir des marques qui veulent être vos sponsors ?

« Évidemment, les entreprises nord-américaines qui n’ont jamais entendu parler du biathlon n’ont aucun intérêt à sponsoriser une équipe qui le fait. Nous trouvons la plupart de nos sponsors en Europe, et parfois dans des foyers sportifs nordiques comme le Midwest (région des États-Unis comprenant les États des Grands Lacs, et la majeure partie de la Corn Belt) ou la Nouvelle Angleterre (région du nord-est Américain).

Je pense qu’il est trompeur de penser que Susan a rapidement trouvé des sponsors, elle a trouvé deux sponsors qui ne lui ont pas offert grand-chose, et que l’un d’eux s’est retiré l’année suivante et lui a fait passer un mauvais moment lorsqu’elle ne montait pas sur le podium chaque week-end. Elle doit être plus performante que ses concurrentes européennes afin de conserver un niveau de sponsoring moindre pour les entreprises, car c’est là que l’Amérique est inconnue en tant que nation de biathlon. Cependant, ses sponsors d’équipement l’ont bien sûr soutenu tout au long de sa carrière.

Je recueille beaucoup plus de fonds grâce aux dons de personnes généreuses que par le biais de la sponsorisation d’entreprises. »

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