Sur une course irrespirable où le vent fut roi, ce sont finalement des Français héroïques, qui se sont imposés dans la douleur face aux Norvégiens et aux Suédois, troisièmes.
L’équipe de France sur le toit du monde
Incroyable, phénoménal, rocambolesque, intenable, les qualificatifs manquent pour décrire cette course et la performance des biathlètes français. Ils ont su dompter le vent, présent sur le pas de tir et de face sur certaines portions de piste.
Si les quatre athlètes sont à mettre à l’honneur, la performance d’Antonin Guigonnat fut remarquable. Lui qui a parfois eu du mal cette saison à se hisser au niveau des coéquipiers les a aujourd’hui parfaitement lancés. Aujourd’hui, nous avons eu affaire à un taulier, la personne qu’il fallait pour démarrer un relais d’anthologie. Certes, il aura fallu deux pioches sur le tir debout, mais Antonin Guigonnat a pris ses responsabilités dès le début de la course. Il a pris la tête devant le norvégien alors qu’il était sans doute plus facile de se cacher derrière la Norvège de Vetle Christiansen, grande favorite du jour, pour qui cette course du relais constitue depuis plusieurs années une formalité. Le doyen des biathlètes français n’a pas tremblé derrière la carabine, quand le Norvégien a fait un état des lieux du pas de tir en y passant énormément de temps. Si à la suite de son tir debout, Antonin Guigonnat sort à 10 secondes de la tête, il s’est dépouillé sur la piste pour donner le relais à Fabien Claude en tête. L’histoire est en marche.
Que dire de la performance de Fabien Claude ? Le vosgien a délivré un véritable combat contre lui-même et a dû contre toute attente batailler face aux valeureux Suisses et Tchèques, longtemps en course pour le podium voire la victoire. Derrière la carabine, le bilan du deuxième relayeur français est identique au premier, deux pioches sur le debout. S’il a vu Tarjei Boe gratter du temps dans son duel à distance, il s’est battu face aux éléments pour passer le relais en deuxième position dans le groupe de tête. S’il a semblé émoussé sur les spatules, sa rapidité et son efficacité face aux cibles, dans un vent qui aura mis ses concurrents en difficulté, auront été déterminants aujourd’hui.
Positionné en troisième relayeur, Emilien Jacquelin a démarré sur les chapeaux de roues. Lui qui a récupéré le relais 1 minute 10 devant les Norvégiens emmenés par Sturla Laegreid a ensuite pêché physiquement, à l’image de son compère Fabien Claude. Qu’à cela ne tienne, les Français iront chercher cette victoire en trouvant des ressources au-delà de ce qu’ils ont pu fournir depuis le début de la saison. Le Villardien a tiré comme il l’aime, en faisant parler son instinct. La vitesse n’aura aujourd’hui pas nui à la précision sur le tir couché, où Emilien Jacquelin a pu reprendre sur le pas de tir les secondes grappillées par Sturla Holm Laegreid sur la piste. Il s’est cependant fait peur sur le debout, où il a dû parcourir 150 mètres supplémentaires, punition d’un engagement sans doute trop important. Peu importe, c’est cet engagement de l’équipe de France qui les a menés aujourd’hui à la médaille d’or. Avant un passage de relais pour Quentin Fillon Maillet, il faut encore skier un tour, ce qui parait une éternité pour Emilien Jacquelin, qui laisse filer le Tchèque et passe le témoin avec 10 secondes d’écart, mais toujours 50 secondes devant la Norvège, qui lance désormais Johannes Thignes Boe, stratosphérique et intouchable à l’heure actuelle.
Ce quatrième relais nous aura tenu en haleine jusqu’au bout, car si Quentin Fillon Maillet a rapidement pris la tête, et profité d’une craquante sur le pas de tir des Tchèques, l’ouragan norvégien soufflait dans les oreilles du Jurassien et de tous les supporters français avec lui. Le Norvégien reprend 20 secondes sur ce premier tour mais quand il doit se servir de ses trois pioches, le Français n’en utilise qu’une seule et nous gratifie d’un tir rapide qui lui permet de maintenir l’écart avec la fusée norvégienne. Ce duel à distance se poursuit entre les deux tirs, face au vent dans la forêt d’Oberhof, où les courses les plus incroyables se sont courues. Celle-ci ne fait pas exception. Johannes Boe continue de reprendre du temps, comme depuis le début de la saison.
Nous arrivons désormais au dernier tir de cette course. Quentin Fillon Maillet n’a pas le droit à l’erreur au risque de laisser filer la médaille d’or. Le double champion olympique nous livre alors un tir d’anthologie. Rapide, précis, on retrouve le biathlète de Pékin 2022, imprenable sur les tirs debout. Il ressort en tête, plus rien ne peut l’arrêter, la victoire tend les bras à l’équipe tricolore. Mais c’est sans compter sur la star norvégienne qui réalise sans doute l’un des plus beaux tirs de la saison et maintient le suspens, faisant retenir son souffle à tout le camp français.
Il faudra attendre la moitié du dernier tout pour voir Johannes Boe se résigner à ne pouvoir reprendre Quentin et ainsi sceller la victoire française dans ce relais masculin.
Quentin Fillon Maillet franchit la ligne en première position pour une victoire d’anthologie.
Un podium complété par les Norvégiens et les Suédois
Si cette course fut époustouflante, et la victoire française monumentale, nous le devons également à une adversité féroce qui aura maintenu un suspens intenable et inscrit cette course dans l’histoire du biathlon.
Les Norvégiens ont sans doute pêché derrière la carabine. Victimes dès le début de la course de rafales de vent que les Français ont eu la chance d’éviter, ils ont passé un temps monstre sur les tapis du pas de tir et ont visité l’anneau de pénalité à deux reprises.
Les Suédois ont eu du mal en début de course avec également un tour de pénalité mais Martin Ponsiluoma a remis les Suédois dans la course au podium. Si les jaunes et bleus n’ont pas la puissance de l’équipe norvégienne et auront subi leur loi, c’est logiquement qu’ils montent sur la boîte au terme d’une course solide et sans accrocs particuliers.
On notera pour finir la belle performance des biathlètes Tchèques, qui auront donné du fil à retordre aux nations favorites, et qui ont joués le podium jusqu’au dernier relais.
Résultats complets
Crédit photo : Nordic focus