Coupe du Monde

Bilan saison – Un duel de maîtres

Johannes Boe et Martin Fourcade se sont livrés un dernier duel au sommet remporté par le Norvégien. Mais derrière ce binôme royal, des prétendants ont pris date pour l’avenir… et ils sont essentiellement Français.

Johannes Boe double la mise.

La saison n’est pas allée à son terme et l’étape supplémentaire d’Oslo aurait pu rebattre les cartes. Mais il est impossible de dire que Johannes Boe ne mérite pas son deuxième gros globe consécutif. Absent pour cause de paternité sur l’étape d’Oberhof et de Ruhpolding, le Norvégien a bien fait de revenir sur l’étape de Pokljuka qu’il devait peut-être zapper aussi à l’origine. En effet, avec seulement deux petits points d’avance au final (plus petit écart de l’histoire du général chez les hommes) sur son meilleur ennemi, Martin Fourcade, une course supplémentaire de manquée aurait condamner les espoirs de général du cadet des frères Boe.

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Quatre courses individuelles en moins donc (deux si l’on compte le retrait des deux moins bon résultats) mais une victoire finale pour l’ogre norvégien. Toujours aussi rapide sur les skis, il a également progressé cette saison sur son tir (89% de réussite contre 85% l’année dernière). Un cocktail explosif de régularité qui l’a rendu quasiment invincible cet hiver avec dix victoires individuelles, que des tops 5 (hormis l’individuel d’Ostersund), un petit globe de la mass start et quatre titres aux Mondiaux (trois en relais, un sur la mass start). Une saison tronquée pour lui donc mais un gros globe et des titres mondiaux à la pelle. Tout simplement impressionnant !

Martin Fourcade aura retrouvé sa superbe.

Pourtant, la concurrence était plus présente cette année pour le norvégien contrairement à la saison précédente, et cela est le fait d’un biathlète et quel biathlète ! Perdu dans la brume des mondiaux d’Ostersund l’année dernière après une saison en forme de chemin de croix, Martin Fourcade a su corriger le tir cette saison… et de quelle manière ! Sept victoires individuelles, treize top 5, deux titres mondiaux (individuel et relais hommes), sans oublier les deux petits globes du sprint et de l’individuel.

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Le quintuple champion olympique avait retrouvé la recette cette saison pour se tourner de nouveau vers les sommets avec en point d’orgue, le titre mondial sur le relais avec les copains. Un sacre qui manquait à son immense palmarès et qui a sans doute pesé dans sa décision de prendre sa retraite sportive. Car oui, « Le Patron » a payé sa dernière tournée en Coupe du Monde lors de la poursuite de Kontiolahti avec un 83ème chef d’œuvre en guise d’adieu. Le regret d’avoir laissé filer un huitième gros globe pour seulement deux points a été noyé dans l’émotion des hommages que lui a rendu la famille toute entière du biathlon. Chapeau l’artiste !

Une densité Bleue exceptionnelle.

Mais « Le Catalan » est un garçon bien élevé. Et avant de quitter les projecteurs du circuit mondial, il s’est assuré que la relève était prête. Et de ce point de vue là, il peut être rassuré. Toutes compétitions confondues (hormis les relais mixtes), les bleus sont montés pas moins de 37 fois sur la boîte (dont deux fois aux trois premières places) dont 21 fois sans l’aide de Martin Fourcade et sans compter les relais. Tout simplement exceptionnel ! Sans oublier que les quatre Champions du Monde du relais trustent aussi les six premières places du général et que les deux autres français, Fabien Claude (un podium) et Antonin Guigonnat terminent à des honorables 19ème et 27ème place.

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Ces bonnes places aux général résultent forcément de belles performances individuelles. Émilien Jacquelin a ouvert son compteur cette saison avec huit podiums et une première victoire acquise, excusez du peu, sur la poursuite des Mondiaux d’Antholz. Quentin Fillon-Maillet avec ses dix podiums (pour une victoire) aura joué le gros globe quasiment jusqu’au bout même s’il pourra regretter de ne pas être allé chercher l’or mondial en Italie et/ou un petit globe. Enfin même si la saison fût plus contrastée pour Simon Desthieux, ses trois podiums et sa régularité dans le top 10 lui permettent d’achever sa saison à la sixième place du général. Même avec la retraite de leur guide, les tricolores semblent bien armés pour continuer à jouer les premiers rôles en Coupe du Monde.

Le duel France Norvège éclipsent les autres nations

L’opus qui vient de s’achever aura vu la France et la Norvège se livrer une bataille féroce quasiment sur chaque course. Les combinaisons rouges et bleues ont été allègrement aperçuss aux avant postes tout au long de la saison. Forcément, cela s’est fait aux détriments des autres nations, et pas des moindres. C’est simple, si l’on prend en compte toutes les compétions masculines, seul deux courses ont échappé aux deux nations rivales, les sprints d’Annecy et d’Antholz pour l’allemand Benedikt Doll et pour le russe Alexander Loginov. Pire, sur 63 places sur les podiums individuels, seulement douze ont été occupées par des athlètes d’autres nations.

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Difficile donc de lutter contre l’hégémonie franco-norvégienne (en comptant aussi les quatre podiums pour Tarjei Boe et les deux pour Vetle Christiansen) mais il serait inopportun de ne pas évoquer aussi la chute de certaines nations fortes du biathlon. Dominik Windisch et Lukas Hofer n’ont pas réussi une grande saison et la relève italienne tarde à se montrer. La saison correct d’Alexander Loginov (un titre mondial et une 7ème place au général) et l’émergence de Matvey Eliseev ne doivent pas faire oublier la tourmente extra-sportive dans laquelle se trouve le biathlon russe. Enfin, malgré quelques soubresauts de son leader Benedikt Doll (8ème au général), l’Allemagne n’est plus la nation dominante du biathlon et la relève prometteuse incarnée par Johannes Kuehn et Philipp Horn n’en est que plus attendue.

Des titres mondiaux partagés.

SI Johannes Boe et Martin Fourcade ont vampirisé la plus haute marche du podium quasiment toute la saison, les deux rivaux ont été plus partageurs lors des Mondiaux d’Antholz. Quatre titres individuels, quatre vainqueurs différents. Le Russe Loginov en a profité pour s’imposer sur le sprint mais n’a pas réussi à confirmer sur la poursuite remportée par Émilien Jacquelin. Les deux monstres de la discipline sont allés tout de même grappiller leur breloque en or sur la mass start pour Johannes Boe et l’individuel pour Martin Fourcade qui ainsi égalé le record en la matière avec onze titres mondiaux individuels (à égalité avec Ole Einar Bjoerndalen).

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Johannes Boe ira quand même chercher deux titres supplémentaires sur les relais mixtes pour un total de six médailles. Non loin derrière, Émilien Jacquelin ramènera quatre médailles d’Italie quand Martin Fourcade et Quentin Fillon Maillet se satisferont de trois breloques. Simon Desthieux lui n’en ramènera qu’une mais la plus belle, celle en or avec ses compatriotes lors du relais. Une moisson à laquelle les Français et les Norvégiens auront, encore une fois, largement contribué.

Le tournant de la saison : la mass start de Nove Mesto

Une saison de Coupe du Monde est longue et la régularité dans les performances est une condition quasi obligatoire pour viser les sommets du général. Malheureusement pour les bleus, une course a viré au cauchemar quasi collectif et a entrainé de lourdes conséquences. Lors du départ de la dernière mass start de la saison (même si l’on ne le savait pas encore à ce moment) à Nove Mesto, la lutte faisait rage pour le dossard jaune entre trois biathlètes. Quentin Fillon Maillet troisième et un peu plus décroché, Johannes Boe et bien sûr Martin Fourcade qui possédait encore seize points d’avance sur son rival norvégien au classement virtuel.

La déclaration de Martin Fourcade après le loupé collectif des bleus ©Chaîne l’Équipe

Malheureusement pour le clan français, cette course, ô combien décisive, allait tourner au fiasco. Des problèmes de fartage allaient tout de suite mettre les bleus dans le dur. Des skis qui n’avancent pas et des tricolores obligés de piocher sur les bâtons comme jamais pour rester au contact de leurs rivaux. Johannes Boe qui n’avait pas besoin de cela pour s’imposer allait voir ses deux rivaux terminer loin au classement et profitera de cela pour reprendre le dossard jaune virtuel. Il ne le lâchera plus jamais et la faillite collective française (hormis Émilien Jacquelin 2ème à 20/20) sera lourde de conséquences dans le décompte final.

La performance de la saison : un quadruplé français historique

Mais les techniciens de l’équipe de France, c’est aussi de très bonnes intuitions tout le reste de la saison, et à Ostersund, ce fût le coup parfait. En installant des fusées sous les skis des bleus lors de l’individuel, les tricolores allaient réaliser l’un des plus grands exploits du biathlon français plaçant quatre de leurs biathlètes aux quatre premières places ! Une véritable vague bleue qui aurait pu se transformer en quintuplé si Fabien Claude n’avait pas commis une faute en trop. Mais bon, la gourmandise est un vilain défaut et voir Martin Fourcade s’imposer pour la première fois depuis près d’un an, accompagné sur le podium par Simon Desthieux, Quentin Fillon-Maillet et Émilien Jacquelin, au pied de la boîte, suffisait largement au bonheur des français.

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La déclaration de la saison :

Pas le titre qu’il me manquait, le titre qu’il nous manquait !

Martin Fourcade après le titre mondial du relais bleu
Et à part ça ? Un géant prend sa retraite.

Depuis la fin de la saison 2017/2018, parachevée par un septième gros globe et bien sûr une moisson d’or olympique, l’incertitude traînait autour de la suite de la carrière de Martin Fourcade. Ira-t-il jusqu’aux JO de Pékin en 2022 ? Rien n’était moins sûr. Après une saison extrêmement compliquée l’année dernière, certains observateurs voyaient celle de trop qui allait l’emmener vers la retraite. Mais le catalan a de l’orgueil et il était hors de question pour lui de partir sur un si mauvais souvenir. Il se remit donc au travail pour un hiver de plus et effectua une saison 2019/2020 en phase avec ses standards (voir plus haut).

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La veille de la dernière course de la saison, peut-être au moment où l’on s’y attendait peut-être le moins, les réseaux sociaux du quintuple Champion Olympique se mirent à s’affoler pour annoncer une nouvelle qu’il avait muri depuis le relais victorieux des Mondiaux d’Antholz, celle de sa retraite sportive avec effet quasi immédiat. Les « bravo » et « merci » inondèrent quasiment aussitôt la toile et la poursuite de Kontiolahti allait donc être sa dernière course professionnelle. La suite on la connaît et le biathlon français et mondial a donc perdu un des plus grands champions de son histoire.

Et maintenant ?

En vacances les champions ! Avec l’annulation des courses nationales de fin de saison, les biathlètes ont pris des vacances bien méritées. Si la situation le permet, les entraînements reprendront début mai. Le début de la prochaine saison est programmé à Kontiolahti le 27 novembre prochain avec un programme finlandais encore mystérieux et qui fait polémique chez certains biathlètes dénonçant le rajout d’une quatrième étape avant la trêve, ce qui surchargerait le calendrier. Affaire à suivre…

Crédit photo : IBU